Nulle si découverte

Après une pause estivale, Galerie Showcase est heureuse d’accueillir Nulle si découverte, une exposition de Lorette Pouillon.

Quand j’appelle Lorette Pouillon cet été, elle travaille dans son atelier à Clermont-Ferrand sur plusieurs expositions qui auront lieu au fil de l’année. Ravie de pouvoir faire en avance, elle me donne des indices de la pièce qu’il y aura dans la vitrine. Parquet peint sur carton, objets sortant de sous les lattes, des yeux qui vous observent, des traces de pas. La page de mon carnet ressemble à une constellation foisonnante, une carte au trésor sans le Vous êtes ici ni le trésor dessiné : scène figée à la verticale, trompe-l'œil avec vue aérienne d’un enfant devenu grand. Elle semble vouloir contenir le regard, zoomer et cadrer la banalité pour en faire une séquence de film sans jamais oublier de jouer avec les perceptions des regardeur·euses. Tel un véritable jeu de piste, je ne m’attarde pas sur les questions, le paysage quotidien se dessine mais la part de mystère reste entière. Petit à petit, ce tableau bas-relief se dévoile, les balles de ping pong s'agrippent aux regards des passant·es, l’image s’ancre et l’histoire arrive.

Si je devais associer Lorette à un animal, ce serait un chat. Elle joue pour observer, poser son regard sur les alentours. Tout peut devenir une proie, chaque chose inerte ne demande qu’un regard pour bouger et se dérober. Grâce à de petits moteurs au son d’une respiration, la scène prend vie, nos yeux se posent des questions : où sont les fils des pantins ? La magie est-elle vraie ? Quelle est l’histoire ?

Tous les éléments de ces tableaux se disputent le premier rôle de l’enquête. Certes, nous pouvons poser le nom des différents éléments, ils sont là, devant nous. Ce sont tous les objets qu’on ne voit plus, qui peuplent nos intérieurs, nos poches et nos étagères. Le simple fait de détourner légèrement leur fonction ou tout simplement de les présenter sans leur contexte habituel colle sur eux un passé, un présent et un futur obscur.

Lorette revient à la notion même d’objet, objectum qui signifie « chose mise devant » ; elle place devant elle des choses, des formes pour qu’elles affectent les sens et qu’elles s’offrent à la perception, à nos regards. L’objet est une chose inanimée jetée aux yeux des visiteur·euses pour qu’il existe. Une fois perçus, les objets se fétichisent et deviennent les acteurs de leur propre histoire.

Le jeu, l’humour, la malice sont les ingrédients des scènes animées de Lorette Pouillon, qu’elle agrémente de collection d’objets glanés et regroupés avec soin. Des familles d’objets, des arbres généalogiques apparaissent faisant écho au film L’Objet de Jacques Louis Nyst ou Les Glaneurs et la Glaneuse d’Agnès Varda. Tout est une question de vision. À la façon d’un théâtre minimaliste sans acteur·ice ni texte, Lorette Pouillon nous propose de soulever les lattes pour voir les ficelles, les coulisses ou simplement prendre de la hauteur pour observer.

Chercher le pourquoi du comment, trouver la réponse est souvent notre seul objectif quand on ne comprend pas. Avec Nulle si découverte l'artiste nous interdit presque de chercher. Si la réponse est découverte même par hasard, le jeu ne vaudra plus rien. Se laisser percuter par la surprise d'une exposition dans un mur devenu parquet et s'en contenter.

Maélys Faure, août 2025